samedi 18 octobre 2014

Kom in Oostende, Comme à Ostende

« Week-end à Rome, tous les deux sans personne ».
En ce dimanche d'un mois de septembre sur la fin, l'idée d'une escapade exotique nous saisit avec entrain.
Ce ne fut pas à Rome, ce ne fut pas sans personne. Mais ce fut extra (conjuguant, en passant, la rengaine au passé).

Extraostendinaire même ! Bref, chères lectrices, chers lecteurs, ce ne fut pas tropique au compteur, mais destination Ostende (Rome sera pour une prochaine fois, lorsque mon YiTi aura vaincu sa peur de l'avion et lorsque votre chère Albertine aura l'envie de se confronter à nouveau aux charmes trépidants des transports aériens - réservation, contrôle de sécurité, enregistrement des bagages, recherche du terminal, grève, etc.).

Sur les routes de Belgique


« Faire une virée à deux
tous les deux sur les chemins
dans ton automobile
tous les deux on sera bien »

Et zou ! Nous voilà partis, YiTi et votre hôtesse, sur les routes de Belgique, au volant d'une Twingo volée (tu me disais YiTi ? Ah oui, pardon, louée, dans une Twingo louée (comme pourrait dire l'ami Dany, qui donc voudrait voler une Twingo ? - quoique...).

Les routes du Royaume se distinguent par leur vaste éclairage public qui, couvrant l'ensemble du réseau, illumine tout le pays comme une fête foraine, la nuit venue – et tant pis si écolos et économes n'y sont pas, eux, à la fête. Depuis quelques temps, la réputation apparaîtrait néanmoins de plus en plus surfaite (crise oblige) alors qu'une autre, moins fameuse, serait en en passe de la détrôner, liée à la dégradation grandissante de la voirie, surtout observée, semble-t-il en région wallonne (si l'on en croit, par exemple, le rapport le la Cour des comptes de Belgique du 11 décembre 2012).

Nous, qui roulâmes de jour, à l'aller comme au retour, et dans la région flamande, nous n'eûmes pas vraiment l'occasion de nous émouvoir de ces deux « marques de fabrique ». Il en était toutefois une troisième que nous redoutions que trop pour la bien connaître : la signalisation des directions.

Etait-ce pour compenser la taille, que peut-être d'aucuns eurent jugé modeste, du « Plat pays », qu'une singulière intelligence s'évertua à y rendre énigmatique la signalétique, condamnant le voyageur imprévoyant au naufrage psychologique ? Heureux qui, comme Ulysse, ne circule en Belgique. Si le héros de l'Odyssée voulût vraiment mériter ses galons de navigateur, qu'il n'eût mieux fait de s'aventurer en ces contrées - mais au risque que Pénélope renonçât à l'attendre.

Il est difficile de résister à la tentation de faire découvrir quelques spécialités régionales :
  • Les sorties d'autoroute, embranchements, déviations et autres changements de direction sont bien entendu annoncés... mais, assez souvent, à l'endroit même de la bifurcation ;
  • Vous voulez sortir d'une ville, c'est bien simple : n'y rentrez pas ! Dans le cas contraire, armez-vous de patience et attendez-vous à sa visite forcée. La signalisation des directions est soit absente, soit confuse (Gand demeure à cet égard un douloureux souvenir) ; 
  • En Flandre, les noms des villes ne sont indiquées qu'en néerlandais (de même qu'en Wallonie, ils ne le sont qu'en français). Si vous quittez Lille, sachez qu'au retour elle s'appellera Rijsel (prononcez " Reyssel"). Loin de moi l'idée de blâmer l'approche régionaliste - qui n'est pas étrangère à votre bretonne Albertine - mais il y a lieu de se demander si un affichage bilingue ne serait pas plus adapté...
D'aucuns ne manqueront certainement pas de me faire remarquer qu'à l'ère de la conduite assistée et de géolocalisation, éprouver de pareilles difficultés confine à un masochisme pathétique ou témoigne d'un fâcheux passéisme. Mais pour YiTi, c'est à l'ancienne, comme il dit : préparation de l'itinéraire et carte routière. A vrai dire, la méthode ne nous a pas trop mal réussi - nous sommes même parvenus à retrouver le chemin du retour sans encombre alors que la sortie vers Courtrai (Kortrijk) était fermée pour cause de travaux (ce que l'usager apprenait à l'instant même où il l'empruntait).

La reine des plages contre le dieu Béton


Qui dit royaume, dit reine. En Belgique, elles sont nombreuses (selon la légende, lorsque le Philippe le Bel visita Gand, son épouse la reine Jeanne de Navarreprit ombrage d'en voir plus d'une parmi les bourgeoises richement vêtues de la cité). Ainsi existe-t-il la reine des plages, Ostende.
Le titre semble lui avoir été décerné à l'époque où, sous l'impulsion du roi Léopold II, la petite ville portuaire s'était muée en une fastueuse station balnéaire vers laquelle affluèrent grands bourgeois, nobles et souverains de toute l'Europe. Pour de plus amples informations sur l'histoire d'Ostende, je prie les lectrices et lecteurs de rendre visite au blogue " Histoires du Nord 2 " qui leur livrera un savant billet, joliment illustré

Mais comme le souligne, et à mon sens avec raison, la Libre Belgique : "que reste-t-il des temps anciens depuis que le béton a envahi les espaces et dressa en front de mer une ligne Maginot, rempart de fortune face aux éléments déchaînés ? "


 - Ostende ne laisse pas de marbre - Ouais, mais laisse béton

Béton à l'horizon

N'y a-t-il donc plus de vestiges de la splendeur passée d'Ostende  ?

Selon notre guide, quelques maisons de la Belle époque ont réchappé au sacrifice sur l'autel du Dieu Béton et survivent, disséminées çà et là entre les constructions récentes, notamment (toujours d'après notre guide) dans la rue Muscar (Muscarstraat) - quoique nous nous y soyons rendus, appliqués comme nous le fumes à notre itinéraire, je dois avouer que nous passâmes complètement à côté. Nous avons cru également en apercevoir le long de la promenade du Lido (ou promenade Albert 1er).

 

















La " bruxellisation " contestable et contestée d'Ostende n'a peut-être laissé insensible promoteurs et pouvoirs publics, qui semblent vouloir renouer avec le faste d'antan.


Un lieu mythique : l'Hôtel Thermae Palace

S'il y a une raison essentielle à notre excursion, elle tient toute entière en cet endroit : l'Hôtel Thermae Palace (le Palais des Thermes).  

Mince, il y a une grosse tache sur la photo !

Nous l'avions découvert, transfiguré sous la caméra du réalisateur belge Harry Kümel, dans son film " Les lèvres rouges " ("Daughters of Darkness"), tournées dans les années 70.


Son édification adossée aux arcades de la galerie royale (conçues par l'architecte officiel du roi belge Léopold II, le français Charles Girault et construites entre 1902 et 1906) contribue indéniablement à l'ambiance envoûtante de l'endroit.


C'est dans ces mêmes galeries que la chanteuse belge Muriel Dacq vint, dans les années 80, tourner le film promotionnel de son grand succès " Tropique ".


Nous lui adressons (bien des années après le tournage) ce petit clin d'oeil (un brin velu).


La nostalgie baigne désormais l'édifice qui peine à dissimuler les empreintes du temps.

L'ineffable délabrement de l'ouvrage m'a irrésistiblement rappelé la séquence de la station thermale d'Aralbad tirée du jeu vidéo Sybéria (réalisé par le dessinateur belge de bandes dessinées, Benoît Sokal). 




Dans la galerie royale, une galerie de tronches


Sous les arcades de la galerie royale, s'y contemplent d'autres, sourcilleuses, arborées par une galerie de tronches - qui, à y regarder de plus près, ne nous sont pas inconnues.

En septembre 2014, se tenait, à l'occasion du festival du film d'Ostende, une exposition des photographies réalisées par Rudy Lamboray, intitulée les " 50 salopards ", dressant le portrait de comédiens belges, issus des deux côtés de la frontière linguistique, sous la figure, à forte valeur iconographique ajoutée, du truand. Il me semble l'exposition se poursuit actuellement (octobre 2014) à Namur.

Partie francophone, on reconnaîtra Benoit Poelvoorde (tout en haut du podium, s'il faut en croire le YiTi, fan inconditionnel du Ben, le " géant " Bouli Lanners, Jérémie Rénier (ça change de "Cloclo").
 
Partie néerlandophone, les amateurs de polars reconnaîtront les talentueux Koen de Bouw et Filip Peters, et à la différence du tueur qu'il incarnait, se souviendront immanquablement de l'immense Jan Decleir.

T'as vu la goth' ?

Non loin du port de pêche, se dresse l'imposante église des Saints-Pierre-et-Paul (Sint-Petrus-en-Pauluskerk), bâtie en 1907 dans le style néo-gothique.


Ik wil bikken : garnaalkroketten !

 
Ostende, c'est aussi un port de pêche. Les amateurs de produits de la mer tout juste sortis de l'eau apprécieront les ventes à la criée de la " minque " . Nous y fîmes d'ailleurs la rencontre d'un fin connaisseur.

" De echo van je naam in de lach van de meeuwen "



Pour ceux qui préféraient les déguster, après préparation, sous la forme de l'un des plats traditionnels de la région, je leur conseillerais de s'asseoir à la table de la taverne James, dans la galerie James Ensor, où l'on savoure de délicieuses croquettes au crevettes (autre point qui ne gâche rien : le patron de l'établissement, très accueillant, ne s'offusque aucunement si vous employez la langue de Molière au lieu de celle de Vondel).


Avec la Mer du Nord, pour dernier terrain vague



" On voyait les chevaux d'la mer
Qui fonçaient la têt' la première
Et qui fracassaient leur crinière
Devant le casino désert
"












L'ancienne élégante attira les artistes, peintres (James Ensor, Magritte) ou musiciens (Marvin Gaye), lorsqu'elle ne fut pas leur muse (Jacques Brel, Léo Ferré, Erik " Spinvis " de Jong) ou leur mère (le chanteur belge Arno y vit le jour).


Aux dires mêmes de l'enfant du pays, la fascination esthétique qu'exercerait la souveraine sur ses illustres invités tiendrait à sa luminosité particulière, issue du croisement du ciel et de la mer, du jeu de leur couleur changeante.

Ni gris, ni vert... Comme à Ostende

Nous terminerons la balade par quelques verres, et le billet par quelques vers :

" Drinken aan zee
Denken aan jou "


2 commentaires:

  1. Encore une superbe ballade ! C'est vraiment dommage qu'il n'y reste pas plus de beaux immeubles de la belle époque, car ils sont vraiment charmants ! (effet encore plus accentué étriqués entre deux cubes en béton!).
    Félicitation pour l'hommage rendu à Muriel Dacq, j'espère qu'elle le verra, elle en sera, c'est sûr, extrêmement troublée et flattée!

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  2. Mister Xx ! Votre venue en ces lieux m'honore tout autant qu'elle me ravit ! Soyez chaudement remercié pour le mot que vous y avez laissé, gage de cette délicatesse qui vous signale. Pour vous rejoindre, je souhaiterais également que Dame Desclée De Maredsous (c'est son vrai nom) veuille me faire l'honneur de sa présence en ce blogue.

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