samedi 28 juillet 2012

Les peuples des herbes (Balade dans la forêt de Raismes-Saint-Amand-Wallers)

Votre hôtesse avait déjà eu l'occasion de se rendre dans la forêt de Raismes-Saint-Amand-Wallers, au début du mois de mai de cette année (2012). Mon camarade de marche et moi-même avions alors visité le terril, et ses alentours, de la Mare à Goriaux, en suivant le sentier éponyme. La balade, qui nous laissa de merveilleux souvenirs, aurait dû recevoir sa transcription épistolaire, mais la tâche me parut plus ardue qu'à l'accoutumée, sans doute en raison du manque d'exercice - lié à l'inactivité prolongée de mon journal numérique, à laquelle me contraignit une météo désespérément maussade - de sorte qu'il n'en fut rien. J'en fus la première peinée mais je ne désespère pas de publier bientôt un billet à son sujet.


Nous voici donc de retour dans ce beau massif du Hainaut dans le but d'y explorer l'une de ses facettes, réputée pour la diversité de sa flore.

LA BOUTIQUE DE LA GUERISSEUSE EN HERBE

La forêt concentre en effet une grande variété de plantes, reconnues traditionnellement, voire scientifiquement, comme thérapeutiques, dont le maigre échantillon que je vous propose ci-après ne donne, malheureusement, qu'un mince aperçu.

L'herbe qui ne se fumait pas : l'Eupatoire à feuille de chanvre ou Eupatoire chanvrine 

(Eupatorium cannabinum)

Selon une version, cette plante devrait la première partie de son nom au roi Mithridate IV Eupator du Pont (124-64 avant J.-C) (Wikiphyto ; Wikipédia, note 3), qui aurait découvert ses propriétés laxatives (Fleurs des champs). Le second terme proviendrait de la ressemblance de ses feuilles avec celles du chanvre (la similitude s'arrêtant là, car, comme le fait habilement remarquer Le blog de Flore de Senlisse, l'eupatoire ne se fume pas).
L'eupatoire chanvrine paraît bien constituer une plante médicinale exceptionnelle, tant ses vertus sont nombreuses et variées : anthirumastimal, apéritif (entendu ici dans le sens de stimulant l'appétit), choléritique, dépuratif, diurétique, expectorant, laxatif, vermifuge (Hortical).




L'herbe aux anges : l'Angélique sauvage

(Angelica archangelica ou Angelica sylvestris)


Ses noms sont légions ! Elle s'appelle angélique officinale, angélique des bois, angélique vraie, angélique sauvage, etc. (Pour une liste, semble-t-il, exhaustive, la consultation de l'article "Angélique officinale ", de l'encyclopédie libre en ligne Wikipédia, peut être utilement conseillée - certaines sources, telle Hortical,  semblent cependant établir une distinction entre l'angélique officinale, qui serait une variété cultivée dans les jardins, et l'angélique sauvage (ou lorsque les plantes deviennent toxiques par excès de taxinomie)).

C'est tout doux !
Là encore, " l'herbe aux anges " est reconnue pour ses nombreuses vertus médicinales. L'huile essentielle de sa racine possède des propriétés digestives, carminatives (souhaitant expliciter le terme de manière quelque peu prosaïque, YiTi en parle comme d'une " plante à pets ") et sédatives ("Angélique officinale ", Wikipédia ; Hortical).
Au-delà de son aspect molletonneux des plus enchanteurs, se dégage de cette herbe une douce odeur fraiche et subtile. 
" Viens pécho d'la bonne beuh !  ",  semblait d'ailleurs lancer, en guise d'invitation, l'un des minuscules habitants de ces lieux à l'adresse, assurément, au regard du registre de langage employé, de mon camarade de marche.

Indomptable angélique ?


L'herbe indolente : la jacinthe des bois ou jacinthe sauvage


(Hyacinthoides non-scripta ; Endymion non-scriptus)

L'étymologie de sa désignation latine, Endymion non-scriptus, comporte un parfum de mythologie dont seule  la senteur de ses fleurs lui dispute le charme : Endymion serait un personnage de la mythologie grecque, berger de son état, vivant sur le Mont Latmos en Carie, Asie Mineur, d'une beauté telle que la Déesse de la Lune, Sélémé, jeta sur lui son dévolu. L'histoire raconte que, désirant la lui préserver, Sélémé obtint de Zeus qu'il plonge son aimé dans un sommeil éternel - ce qui pourrait faire allusion au port penché de la plante, donnant l'impression de somnoler (Domenicus malleotus).   

Cette herbe a de commun avec celle des anges sa pluralité de dénominations : petite jacinthe, muguet bleu, scille penchée ou endymion penché, etc. (Article " Hyacinthoides non-scripta ", Wikipédia)


La diversité des appellations chercherait-elle à masquer la récente rareté de son implantation ? La jacinthe sauvage, bien qu'elle ne semble nullement constituer une plante médicinale - la toxicité paraît bien plus la caractériser (Domenicus malleotus), serait depuis quelques victime d'une cueillette invétérée. Conjuguée aux effets néfastes d'autres activités humaines (disparition des clairières, réchauffement climatique, implantation d'espèces concurrentes dans les jardins), son impact est tel que l'espèce se trouve classée comme protégée dans certaines régions de France (Article " Hyacinthoides non-scripta ", Wikipédia ; INPN). 




LES EXACTIONS DES HEXAPODES

D'autres que nous, au sens plus affutés que les nôtres, s'intéressaient activement aux plantes qui jalonnaient notre parcours. Les endroits que nous longions grouillaient d'une activité fébrile !


Merveilleuse angélique
Le peuple de l'herbe aux anges est pour le moins bigarré, et en véritables pirates ou corsaires floricoles, prennent la marquise d'abordage sans autre forme de procès !

Un lieu de rencontre...


Le bourdon et son chardon
Alors qu'il s'échinait à cadrer son sujet au plus près, mon cher YiTi, dont l'esprit, lorsqu'il n'est pas accaparé par une activité quelconque, se tourne irrésistiblement vers ce qui loge dans le cerveau de bien des hommes, me faisait remarquer que l'abeille devait avoir une sexualité anthophile (" l'abeille est florophile " me confie-t-il d'un air docte).
Il serait possible de lui concéder, au regard des (peut-être trop) nombreuses photographies tirées à cette occasion, que l'appétence légendaire de l'abeille pour les fleurs, puisse donner l'impression d'une certaine communion entre la visiteuse et les visitées.

Hop, j'te choppe !
On s'étourdit à en perdre la tête
Viens ici, j'te dis
Rhâââ, lovely !...
Mais cessez donc de m'importuner !
Zou ! J'te prends et j'te retourne !
Hé, zy av' toi, bouge ta race !

DES PLANTES... ET DES ARBRES

Selon les informations du guide que nous utilisions, la forêt présente également une gamme d'arbres étendue. Ainsi y trouve-t-on l'aulne glutineux, le saule cendré, plusieurs sortes de chêne (chêne sessile, chênes pédonculé), charmes, frêne élevé...


L'envie se mesure à... l'aulne

Notre guide prenait parfois les accents d'une rhétorique que l'on pourrait croire échappée de la bouche d'un agent immobilier. Lorsque vous lisez : " ici, l'eau est très abondante ", ou : " plus loin, une zone périodiquement inondée ", comprenez zones infestées de moustiques...
L'épiderme de nos mains et bras (ainsi que, pour YiTi, de l'épaule et du cou) décrivirent bientôt comme une constellation cutanée, certains astres témoignant, par leur extrême rapprochement, du souvenir d'un intense festin.
L'irritation ressentie put être double si, pour le moins dérangés par notre rencontre impromptue avec ces percepteurs ailés et zélés, nous avions succombé à notre hâte, bien compréhensible, de laisser derrière nous ces marécages, au risque de voir nous échapper cette ambiance d'un indéniable romantisme, due en grande partie à la présence de l'aulne glutineux.




On dirait le sud... 

Le massif du Hainaut se parait parfois de teintes méditerranéennes, qui s'expliquent, selon notre guide, par l'exploitation à laquelle s'est livrée, durant la seconde guerre mondiale, l'armée d'occupation allemande, de certaines parties, qui furent replantées après la guerre, à titre d'indemnisation de dommages de guerre, de pins sylvestres. 
Je ne me doutais pas qu'en empruntant ce sentier sablonneux, j'allais être capable d'un exploit, digne d'une Lara Croft, qui laisserait bouche bée mon compagnon de marche, de telle manière qu'il oublierait d'immortaliser, sinon l'instant, tout au moins l'endroit de sa réalisation. Pour mieux saisir la situation délicate qui se présentait alors à nous, il paraît utile de rappeler que, depuis la fin de l'hiver, le département du Nord connaît d'incessantes pluies qui eurent pour effet, sur le chemin que nous parcourions alors, d'en détremper le sol et de former, selon ses aspérités, des bâches plus ou moins importantes. L'une d'entre elle, la plus importante que nous rencontrâmes, le coupait proprement en deux, dont les abords interdisaient tout emprunt. Alors que YiTi cherchait, en tâtonnant du pied, la possibilité d'un passage à sec, je m'élançais, franchis d'un bond l'obstacle et me réceptionnai sans faillir. Mon acolyte demeura ébahi quelques instants et, peut-être piqué, non plus, comme ce fut le cas tout à l'heure, dans sa chair, mais dans son amour propre de mâle lambda, me rejoignit en exécutant la même prouesse.



Ce sera sous cette ramure estivale, baignée d'une lumière vespérale, que la narration de cette divine balade s'achèvera...

A bientôt,

Baladement vôtre

Albertine

2 commentaires:

  1. comme c est beau et reposant!!un commentaire plus approfondi va suivre!!

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  2. je viens de voir seulement maintenant cet article! Dis donc, Albertine, tu nous donnes toujours autant envie de se promener en forêt! Et c'est très intéressant, après les champignons de notre région, les fleurs sauvages! Hâte de lire vos prochaines bucoliques excursions ^^

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