lundi 31 octobre 2011

Deux ermites en balade (balade dans la forêt de Phalempin) - Suite


Je m'étais attardée, dans mon précédent billet, à vous décrire notre balade sur un mode chronologique qui, de la sorte, m'offrait la perspective de vous brosser un tableau la forêt de Phalempin sous des couleurs changeant au gré des variations de la lumière du jour. Si le style adopté, volontiers impressionniste, présentait l'avantage pour l'auteure de retranscrire, et pour le lecteur de saisir, sans doute plus justement, par ses subtiles nuances, les sensations vécues ainsi que les émotions ressenties, alors que dans le même temps, par le survol léger qu'il emportait, la forêt, ainsi appréhendée dans son ensemble, s'y manifestait comme un personnage authentique, il n'autorisait qu'avec difficulté un examen plus attentif des êtres qui lui donnaient vie. Voici la raison pour laquelle il me parut plus juste de consacrer un nouveau billet destiné à les mieux représenter.

Une forêt giboyeuse

Le guide de randonnées évoquant en préambule la forêt domaniale de Phalempin, en parlait comme d'un endroit giboyeux ; l'assertion, si elle est parfaitement exacte, demande néanmoins de s'entendre au préalable sur l'acception du vocable " gibier " afin que le lecteur ne soit pas par trop surpris si d'aventure il venait à rencontrer l'un de ces spécimens, du reste foisonnants par ces jours de repos dominicaux. La forêt regorge en effet de ces étranges créatures bipèdes, toutes dépourvues de fourrure et de sabots, mais arborant à leur lieu et place une matière de synthèse, souvent de couleurs vives ; elles courraient, au gré d'allures variées, dans tous les sens, sans but précis et nullement aux aguets, l'oeil restant en effet le plus souvent rivé, non pas sur le décor les environnant, mais sur un appareillage sophistiqué entourant leurs membres supérieurs. D'autres, sans doute plus évoluées car parvenus au stade de vélocipèdes, ne se déplaçaient, et il faut le reconnaître, non sans quelque vélocité, sur des... bicyclettes (!) En y regardant de plus près, ce gibier ne semblait guère différer de nous, seule la maîtrise du langage écrit paraissant leur échapper, puisque les panneaux plantés en amont des chemins que nous empruntions interdisaient formellement le passage à de tels engins...  
Cependant, de chevreuils ou de sangliers, nous ne vîmes point. Comment ne pas y voir le signe manifeste d'une intelligence supérieure, ou pour le moins, surpassant celle de la faune qu'il nous fut donnée d'observer ?  En cette période de chasse, il était en effet tout bonnement insensé d'arpenter aussi ostensiblement les bois - leurs couleurs, mais également leurs odeurs (ressemblant étrangement à celle d'un après-rasage) étant des plus repérables. Des volatiles eussent sans doute eu plus de jugement. Pauvres bêtes ! Malheureuses créatures ! Avaient-elles seulement conscience qu'elles constituaient autant de proies faciles pour ces chasseurs à l'affût ? Quelle drôle d'espèce que celle-là, qui a perdu tout instinct de conservation...
Abandonnant ces êtres à leur triste sort, nous eûmes l'heur de découvrir, dans les étangs avoisinant le château de l'Ermitage, quelques canes et canards nullement effarouchés de notre présence, pour laquelle ils éprouvèrent même un certain intérêt dès lors que nous eûmes l'idée d'offrir à la petite troupe rassemblée quelques petites parts de notre repas - et ce ne fut d'ailleurs pas sans quelque souffrance, d'autant plus exacerbée que l'heure de midi s'approchait à grand pas et avec elle une sensation de faim qui plut à se faire cruellement ressentir, que notre compère YiTi consentit au sacrifice. 



-Le mâle : heu, mesdames, puis-je prendre part aux agapes ? - les femelles : casse-toi troud'uc !
Hé, arrête tes photos et donne-moi à becqueter !

Barre ta race, il est à moi !

Les Eumycètes nous ouvrent les portes de leur Royaume

Celle de Bois-L'Evêque fut, pour la forêt de Phalempin, comme le préambule prometteur d'un fabuleux florilège. Les Eumycètes, en cette saison, sont en fête et vous y invitent. Pourtant, et malgré le déploiement de leurs effets, à base d'exhalaison , la rencontre promise n'est pas certaine et c'est souvent de la manière la plus inopinée qu'on les découvre tout près nos pieds (nous rassurons les âmes sensibles, nous n'en avons écrasé aucun), quoique, si l'on en croit l'avis de mon compagnon de marche, j'en étais venue à développer un certain don pour dénicher ces merveilleux habitants de la forêt. A ce propos, ce dernier, qui, lors de ces flâneries septentrionales, ne se révèle jamais à court de ces traits d'esprit dont il ne me fait malheureusement que trop rarement la grâce de m'épargner, m'avoua alors que s'il me devinait certaines similitudes dans mon comportement avec celui du cochon, ou plus exactement sa femelle, il n'aurait jamais songé au flair qu'ont certains d'entre eux pour débusquer les truffes.
Je m'aventure dans les lignes qui suivent à la tentative de reconnaître et d'identifier les champignons dont nous avons - surtout YiTi - capturé l'image. Pour ce faire, j'ai abondamment puisé dans les sources de l'excellent site Armorance, complété des fiches de l'encyclopédie Wikipédia et d'une comparaison avec les magnifiques photographies tirées du site hautesavoiephoto

Amanite épaisse (Amanita spissa)

Je penche ici pour cette qualification sans en être vraiment assurée. Il n'est pas impossible qu'il s'agisse qu'une amanite panthère vieillissante (je n'y vois pas les verrues blanches caractéristiques) ou d'une amanite élevée également sur la fin de sa vie (je ponctue de la même observation). Toutefois, les amanites épaisses s'épanouissent dans les forêts de feuillus, appréciant plus particulièrement la couverture des chênes, ce qui était exactement l'environnement dans lequel nous la découvrîmes. Je pense néanmoins que le champignon figurant ci-dessous appartient à la famille des amanitacées car on y retrouve bon nombre de ses caractères : volve visible, lamelles du chapeau apparentes, présence d'un anneau (que, plus exactement, ici l'on ne peut que deviner). Comme bon nombre d'amanites, ce champignon se révèle un comestible médiocre et les spécialistes conseillent généralement de ne pas le cueillir, notamment en raison des risques de confusion avec des espèces plus toxiques telle que l'amanite panthère.





















Armillaire couleur de miel (armillaria melea)


Je dois avouer qu'au premier abord j'eus la pensée d'être en présence de girolles. Les armillaires "mielleux" - je présente toutes mes excuses pour ce néologisme - ont un chapeau dont la forme se caractérise par une marge lisse et ondulée allant en s'étalant et dont la couleur est à dominante miel mais peut parfois prendre des tons jaune citron à jaune ochracé, la coloration restant néanmoins plus foncée au centre. Cet armillaire représente l'espèce-type de la famille des armillaires. L'armillaire couleur de miel peut être mangé, lorsqu'il est à l'état juvénile, les spécialistes oscillant entre comestible honorable et et comestible sans grand intérêt.









Cette photographie est une occasion de faire un lien avec le billet précédent, comme illustrant cette lumière blanche si particulière du petit jour.









Ne dirait-on pas des petits mains sortis du four ?
Chers lecteurs, je vous demande de bien vouloir pardonner les travers photographiques du sieur YiTi, lesquels balancent entre erreurs techniques et fautes de goût (telle que cette répétition du motif), mais ce dernier n'a pu s'empêcher de mitrailler à tout va (ah, les hommes !).

Amanite citrine (amanita citrina)

L'un des champignons que nous rencontrâmes le plus souvent, dépendant de la famille des amanites (Amanitaceae). L'amanite citrine, s'il n'est pas classé parmi les champignons mortels, ni même dangereux pour la santé, n'est pas conseillée car, d'une part elle se révèle être un comestible médicore et d'autre part, elle comporte pour les néophytes (dont je fais hélas partie) un risque élevé de confusion avec d'autres espèces d'amanites mortelles.



Amanite cytrine jeune (chapeau convexe), peut-être dans sa variété blanche.


Amanite panthère (amanita panterina)

Les prédateurs félins, tel la panthère, agissent souvent seuls... comme l'amanite homonyme. Ce tueur a sa technique bien rôdée, à base de surexcitations et d'hallucinations, qui conduit à l'issue finale, en l'absence d'une hospitalisation rapide (cependant, pour être plus exacte, il semble que l'amanite panthère soit classée, non pas comme un champignon mortel, mais plus comme une espèce " simplement " toxique).




Malgré la différence d'apparence, il s'agit bien là du même spécimen, ou plus exactement, à l'état juvénile.



















Trompettes de la mort (craterellus cornucopioides) 

On l'appelle encore " Corne d'abondance ", " Trompette des Maures " ou bien encore " Chanterelle noire ". J'ai eu toutes les peines du monde pour identifier ce champignon - et je ne suis pas encore certaine qu'il s'agisse bien là de la qualification lui correspondant exactement. A ma décharge, le moucheté du chapeau ne m'a pas facilité la tâche. Mais poussant la réflexion, l'idée me vînt que les champignons donnés à voir étaient vraisemblablement entrés dans une première phase de décomposition. La Trompette des morts constitue un comestible très apprécié.






















C'est donc sur une note de musique, colorée et odorante, que j'ose prendre la permission de conclure le présent billet et vous convie à nous donner rendez-vous au prochain billet qui devrait clôturer la relation de notre promenade.

(à suivre...)

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