dimanche 16 octobre 2011

Une ballade en Ors (balade en forêt de Bois-l'Evêque) - Suite et fin

La seconde partie de notre petit périple prit un tour plus pastoral, voire fluvial. Parvenus à la lisière de la forêt, nous l'abandonnions définitivement (mais à la différence de Capri, je crois bien que j'y retournerai un jour) pour emprunter une route qui la traversait et que nous remontâmes jusqu'au chemin de fer, déjà franchi auparavant mais que nous allions cette fois-ci traverser en un autre point.  Le passage ferroviaire dépassé, nous poursuivions notre chemin le long d'une rue communale lorsqu'un panneau fléché situé sur le côté droit de la chaussée nous indiqua l'emplacement du Ors British Cemetery, cimetière militaire où reposent les corps de soldats britanniques tombés lors de la première guerre mondiale (la " Grande guerre "), dont celui du poète Wilfried Owen. Nous nous attendions, l'orientation du panneau et le sens adopté par sa flèche nous y incitant, à trouver le cimetière sur notre gauche ; tournant alors notre tête dans cette direction, nous eûmes un premier aperçu quelque peu déroutant, comme peut l'illustrer la photographie ci-dessous... 

Un autre Chemin des Dames

Tu le vois le cimetière, toi ?
Vous pensez bien qu'il en faut peu pour désarçonner les deux petits rats des villes que nous sommes et que nous étions immanquablement en cet instant. Mais Yiti, par son goût de l'aventure épris, me communiqua son enthousiasme et acheva de me convaincre d'arpenter ces prairies et de suivre l'ébauche de chemin qui s'offrait à nous.  Le chemin en question, si, nous allions nous en assurer bientôt, menait effectivement au cimetière militaire, longeait également la propriété de dames, dont l'aménité n'était sans doute pas la vertu première, à en croire l'accueil mugissant qu'elles nous réservèrent, en dépit d'une allure débonnaire forçant la sympathie.
Et non, on ne vient pas vous ramener au bercail
Nous eûmes l'insigne honneur et le délectable loisir d'entendre le chant mélodieux de ces sirènes champêtres tout au long du chemin...
ça, c'est du paysage du Nord, hein ?
... Et même plus encore, puisque, lorsque nous découvrîmes enfin le cimetière militaire, le concert non seulement ne se tarit guère mais parut bien au contraire gagner en ampleur.

Heureusement qu'il n'y a pas le son !

Il ajouta ou contribua pour le moins au sentiment de malaise qui s'empara de nous à l'approche des sépultures, et plus encore à la lecture des pierres tombales. La plupart des Tommies enterrés sous nos pieds n'avaient qu'une vingtaine d'années (et pour certains même, à peine dix-huit ans) lorsqu'ils tombèrent sur le champ de bataille, et cruauté du sort (ou de l'Homme), quelques jours avant la date de l'armistice. Pour ma part, il m'était assez difficile de ne pas penser aux contingents français dépêchés en Afghanistan (un de mes proches en faisait partie). La comparaison était-elle appropriée ? En cet instant, j'en était convaincue : j'y voyais dans les deux cas une jeunesse sacrifiée pour de vils intérêts. Où est le sens de tous ces jeux de massacre, si toutefois il existe ? Et au regard du contexte actuel, comment ne pas songer au risque d'une nouvelle guerre mondiale...
Le trouble profond qui s'était installé atteint son paroxysme lorsque, en guise d'oraison funèbre, les Dames du pré voisin, surjouèrent leurs vocalises, entonnant comme d'infernaux chants vespéraux (il devait être un peu plus de dix-huit heures et le jour tombait). La paix des âmes n'avait sans doute jamais été aussi été éloignée de ce pré. L'esprit de recueillement, s'il fût, s'enfuit aussitôt, aussi prestement que nos pas, suivies de près des sabots de la troupe, qui n'auraient pas manqué de nous rattraper, si leur course n'avait été arrêtée par une barrière (du reste bien chêtive au regard de la carrure des intrigantes) - il est dommage que Yiti, sans doute trop effrayé par autant de succès, n'eût pris de photos pour immortaliser l'instant et ces grosses bouilles attachantes qui s'agglutinaient à l'enclos. 

La vie est comme la Sambre : une longue rivière tranquille 

Quittant le pré, nous reprîmes la rue que nous avions délaissée juste avant notre escapade à travers champs et vagabondâmes au travers de cette petite ville rurale. Vous souvenez-vous de ce sentiment particulier de bonheur que j'avais évoquée lorsque j'abordais notre entrée dans la forêt, cette tranquillité que nous retirions de notre isolement ? Il en fut de même ici. Qu'on se le dise : le silence est d'Ors. C'est que l'endroit était, à cet instant, parfaitement désert : il n'y avait personne ; personne dans les rues, personnes dans les jardins, personne ! Nous étions seuls au monde - tant mieux !


Décidément, cette promenade aura été marquée du sceau de la tranquillité. Ce n'est donc peut-être pas un hasard si elle s'acheva par la remontée, sur quelques dizaines de mètres, de la rivière de la Sambre ; cette rivière tire en effet son nom du Celte " samara " qui signiferait " tranquille ". Comme sa surface lisse, qu'aucune onde ne perturbait, notre vie fut, le temps de cette promenade au terme de laquelle nous parvenions, à l'abri de ses troubles ordinaires, en un mot : apaisée.

Equilibre

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