lundi 31 octobre 2011

Deux ermites en balade (balade dans la forêt de Phalempin) - Suite


Je m'étais attardée, dans mon précédent billet, à vous décrire notre balade sur un mode chronologique qui, de la sorte, m'offrait la perspective de vous brosser un tableau la forêt de Phalempin sous des couleurs changeant au gré des variations de la lumière du jour. Si le style adopté, volontiers impressionniste, présentait l'avantage pour l'auteure de retranscrire, et pour le lecteur de saisir, sans doute plus justement, par ses subtiles nuances, les sensations vécues ainsi que les émotions ressenties, alors que dans le même temps, par le survol léger qu'il emportait, la forêt, ainsi appréhendée dans son ensemble, s'y manifestait comme un personnage authentique, il n'autorisait qu'avec difficulté un examen plus attentif des êtres qui lui donnaient vie. Voici la raison pour laquelle il me parut plus juste de consacrer un nouveau billet destiné à les mieux représenter.

Une forêt giboyeuse

Le guide de randonnées évoquant en préambule la forêt domaniale de Phalempin, en parlait comme d'un endroit giboyeux ; l'assertion, si elle est parfaitement exacte, demande néanmoins de s'entendre au préalable sur l'acception du vocable " gibier " afin que le lecteur ne soit pas par trop surpris si d'aventure il venait à rencontrer l'un de ces spécimens, du reste foisonnants par ces jours de repos dominicaux. La forêt regorge en effet de ces étranges créatures bipèdes, toutes dépourvues de fourrure et de sabots, mais arborant à leur lieu et place une matière de synthèse, souvent de couleurs vives ; elles courraient, au gré d'allures variées, dans tous les sens, sans but précis et nullement aux aguets, l'oeil restant en effet le plus souvent rivé, non pas sur le décor les environnant, mais sur un appareillage sophistiqué entourant leurs membres supérieurs. D'autres, sans doute plus évoluées car parvenus au stade de vélocipèdes, ne se déplaçaient, et il faut le reconnaître, non sans quelque vélocité, sur des... bicyclettes (!) En y regardant de plus près, ce gibier ne semblait guère différer de nous, seule la maîtrise du langage écrit paraissant leur échapper, puisque les panneaux plantés en amont des chemins que nous empruntions interdisaient formellement le passage à de tels engins...  
Cependant, de chevreuils ou de sangliers, nous ne vîmes point. Comment ne pas y voir le signe manifeste d'une intelligence supérieure, ou pour le moins, surpassant celle de la faune qu'il nous fut donnée d'observer ?  En cette période de chasse, il était en effet tout bonnement insensé d'arpenter aussi ostensiblement les bois - leurs couleurs, mais également leurs odeurs (ressemblant étrangement à celle d'un après-rasage) étant des plus repérables. Des volatiles eussent sans doute eu plus de jugement. Pauvres bêtes ! Malheureuses créatures ! Avaient-elles seulement conscience qu'elles constituaient autant de proies faciles pour ces chasseurs à l'affût ? Quelle drôle d'espèce que celle-là, qui a perdu tout instinct de conservation...
Abandonnant ces êtres à leur triste sort, nous eûmes l'heur de découvrir, dans les étangs avoisinant le château de l'Ermitage, quelques canes et canards nullement effarouchés de notre présence, pour laquelle ils éprouvèrent même un certain intérêt dès lors que nous eûmes l'idée d'offrir à la petite troupe rassemblée quelques petites parts de notre repas - et ce ne fut d'ailleurs pas sans quelque souffrance, d'autant plus exacerbée que l'heure de midi s'approchait à grand pas et avec elle une sensation de faim qui plut à se faire cruellement ressentir, que notre compère YiTi consentit au sacrifice. 



-Le mâle : heu, mesdames, puis-je prendre part aux agapes ? - les femelles : casse-toi troud'uc !
Hé, arrête tes photos et donne-moi à becqueter !

Barre ta race, il est à moi !

Les Eumycètes nous ouvrent les portes de leur Royaume

Celle de Bois-L'Evêque fut, pour la forêt de Phalempin, comme le préambule prometteur d'un fabuleux florilège. Les Eumycètes, en cette saison, sont en fête et vous y invitent. Pourtant, et malgré le déploiement de leurs effets, à base d'exhalaison , la rencontre promise n'est pas certaine et c'est souvent de la manière la plus inopinée qu'on les découvre tout près nos pieds (nous rassurons les âmes sensibles, nous n'en avons écrasé aucun), quoique, si l'on en croit l'avis de mon compagnon de marche, j'en étais venue à développer un certain don pour dénicher ces merveilleux habitants de la forêt. A ce propos, ce dernier, qui, lors de ces flâneries septentrionales, ne se révèle jamais à court de ces traits d'esprit dont il ne me fait malheureusement que trop rarement la grâce de m'épargner, m'avoua alors que s'il me devinait certaines similitudes dans mon comportement avec celui du cochon, ou plus exactement sa femelle, il n'aurait jamais songé au flair qu'ont certains d'entre eux pour débusquer les truffes.
Je m'aventure dans les lignes qui suivent à la tentative de reconnaître et d'identifier les champignons dont nous avons - surtout YiTi - capturé l'image. Pour ce faire, j'ai abondamment puisé dans les sources de l'excellent site Armorance, complété des fiches de l'encyclopédie Wikipédia et d'une comparaison avec les magnifiques photographies tirées du site hautesavoiephoto

Amanite épaisse (Amanita spissa)

Je penche ici pour cette qualification sans en être vraiment assurée. Il n'est pas impossible qu'il s'agisse qu'une amanite panthère vieillissante (je n'y vois pas les verrues blanches caractéristiques) ou d'une amanite élevée également sur la fin de sa vie (je ponctue de la même observation). Toutefois, les amanites épaisses s'épanouissent dans les forêts de feuillus, appréciant plus particulièrement la couverture des chênes, ce qui était exactement l'environnement dans lequel nous la découvrîmes. Je pense néanmoins que le champignon figurant ci-dessous appartient à la famille des amanitacées car on y retrouve bon nombre de ses caractères : volve visible, lamelles du chapeau apparentes, présence d'un anneau (que, plus exactement, ici l'on ne peut que deviner). Comme bon nombre d'amanites, ce champignon se révèle un comestible médiocre et les spécialistes conseillent généralement de ne pas le cueillir, notamment en raison des risques de confusion avec des espèces plus toxiques telle que l'amanite panthère.





















Armillaire couleur de miel (armillaria melea)


Je dois avouer qu'au premier abord j'eus la pensée d'être en présence de girolles. Les armillaires "mielleux" - je présente toutes mes excuses pour ce néologisme - ont un chapeau dont la forme se caractérise par une marge lisse et ondulée allant en s'étalant et dont la couleur est à dominante miel mais peut parfois prendre des tons jaune citron à jaune ochracé, la coloration restant néanmoins plus foncée au centre. Cet armillaire représente l'espèce-type de la famille des armillaires. L'armillaire couleur de miel peut être mangé, lorsqu'il est à l'état juvénile, les spécialistes oscillant entre comestible honorable et et comestible sans grand intérêt.









Cette photographie est une occasion de faire un lien avec le billet précédent, comme illustrant cette lumière blanche si particulière du petit jour.









Ne dirait-on pas des petits mains sortis du four ?
Chers lecteurs, je vous demande de bien vouloir pardonner les travers photographiques du sieur YiTi, lesquels balancent entre erreurs techniques et fautes de goût (telle que cette répétition du motif), mais ce dernier n'a pu s'empêcher de mitrailler à tout va (ah, les hommes !).

Amanite citrine (amanita citrina)

L'un des champignons que nous rencontrâmes le plus souvent, dépendant de la famille des amanites (Amanitaceae). L'amanite citrine, s'il n'est pas classé parmi les champignons mortels, ni même dangereux pour la santé, n'est pas conseillée car, d'une part elle se révèle être un comestible médicore et d'autre part, elle comporte pour les néophytes (dont je fais hélas partie) un risque élevé de confusion avec d'autres espèces d'amanites mortelles.



Amanite cytrine jeune (chapeau convexe), peut-être dans sa variété blanche.


Amanite panthère (amanita panterina)

Les prédateurs félins, tel la panthère, agissent souvent seuls... comme l'amanite homonyme. Ce tueur a sa technique bien rôdée, à base de surexcitations et d'hallucinations, qui conduit à l'issue finale, en l'absence d'une hospitalisation rapide (cependant, pour être plus exacte, il semble que l'amanite panthère soit classée, non pas comme un champignon mortel, mais plus comme une espèce " simplement " toxique).




Malgré la différence d'apparence, il s'agit bien là du même spécimen, ou plus exactement, à l'état juvénile.



















Trompettes de la mort (craterellus cornucopioides) 

On l'appelle encore " Corne d'abondance ", " Trompette des Maures " ou bien encore " Chanterelle noire ". J'ai eu toutes les peines du monde pour identifier ce champignon - et je ne suis pas encore certaine qu'il s'agisse bien là de la qualification lui correspondant exactement. A ma décharge, le moucheté du chapeau ne m'a pas facilité la tâche. Mais poussant la réflexion, l'idée me vînt que les champignons donnés à voir étaient vraisemblablement entrés dans une première phase de décomposition. La Trompette des morts constitue un comestible très apprécié.






















C'est donc sur une note de musique, colorée et odorante, que j'ose prendre la permission de conclure le présent billet et vous convie à nous donner rendez-vous au prochain billet qui devrait clôturer la relation de notre promenade.

(à suivre...)

samedi 22 octobre 2011

Deux ermites en balade (balade dans la forêt de Phalempin) - Début

Allez, debout là-dedans, on se lève ! Hé oui, mon cher Yogigougou, ce matin, on ne va pas se la couler douce : on avale vite son petit déjeuner (enfin pas trop vite, non plus, parce que vous connaissant, vous allez soit vous étouffer, soit, ce qui paraît plus sûr, vous en mettre partout) et on file à Phalempin pour découvrir sa forêt domaniale.
Nous arrivâmes à la ville susdite vers dix heures. Partant de la gare, ainsi que nous le conseillait notre guide de randonnées, dont ne nous ne séparons plus, nous remontâmes l'avenue Péchon jusqu'au pont juchant l'autoroute.

Il suffit de passer le pont

C'est tout de suite l'aventure chantait le poète ; mais il n'est pas sûr qu'à la vision qui s'offrit à nous, dont les photographies ci-dessous donnent un certain aperçu, il n'eût pas renoncé à la mener jusqu'au bout. Sans doute en aurions-nous fait de même si nous étions investis de l'âme du poète, mais il faut croire que ce fut celle de l'aventurier qui en nous s'anima (encore que en ce qui concerne le sieur YiTi, je me demande si le n'est pas plutôt un esprit "tout foufou"). Et puis, pourquoi ne pas plutôt y voir comme une métaphore, celle du parcours initiatique, telle que l'on peut la retrouver en filigrane dans les anciens contes pour enfant, où le premier obstacle mis sur le chemin se caractérise le plus souvent par le sentiment de répulsion qu'il inspire aux aspirants ? Si l'on en croit le sens caché, l'accomplissement de l'épreuve permet, une fois ses peurs vaincues, de découvrir le monde sous un jour nouveau... Le nôtre allait être lumineux !




















Le soleil donne  

Du Nord au coeur des gens, gentiment. Vous souvenez-vous de ce sentiment de bonheur si particulier que nous avions pu éprouver lors de notre précédente balade, cette curieuse sensation de bien-être que nous procurait, peut-être pour certains de manière paradoxale, notre isolement dans la forêt ? Si cette joie de la solitude ne fut pas cette fois-ci au rendez-vous, une autre prit sa place dans nos coeurs orphelins, sans que nous ayons à souffrir de l'outrage, qui s'estompa d'ailleurs au fur et mesure que le plaisir les inondèrent, que fut celle de baigner dans la douce et chaleureuse la lumière du soleil. Notre entière promenade eut l'heur de profiter des rayons de l'astre brillant dans un ciel azuré que nul nuage ne vint troubler à aucun moment de la journée - ainsi qu'en témoignent les quelques photographies que nous vous proposons et  (nous vous présentons par avance nos excuses pour celles d'entre elles, nombreuses sans doute, qui ne sont pas véritablement réussies mais notre bon YiTi ne maîtrise pas encore à la perfection son engin - mais non, YiTiproutprout, je ne parle pas de celui-là, même si, je suis prête à l'admettre, lui aussi peut présenter quelques défaillances au niveau du viseur).

Un petit jour trop mortel

La Drève des Morts
Ce fut par la Drève des Morts que nous pénétrâmes véritablement dans la forêt de Phalempin.

Serait-ce en raison du chemin lumineux ?









Le nom attribué à cette drève aurait pu augurer du pire et pourtant elle s'avèrerait, ce halo qui ceignait la cime des arbres devait en être le signe manifeste, comme l'annonciatrice d'une bénédiction : celle d'une promenade enchanteresse.

Bon, ça y est ? T'as fini de t'amuser avec l'appareil ?

Et la sieste ? Aux oubliettes !


Albertine trace la route
(j'ai faim)


Aah... Il est vrai, qu'après s'être quelque peu sustenté (nous nous étions arrêtés quelques instants, à l'heure de midi et demi, après deux heures et demi de marche), l'on ne daignerait guère gouter aux douceurs d'une sieste à laquelle nous conviaient, comme par la puissance d'un charme,  la tendre indolence d'une herbe chatoyante et la soyeuse caresse dorée d'un soleil bienveillant,  auxquels une assemblée d'arbres bruissant doucement donnait un assentiment complaisant - YiTi, avec la finesse d'esprit qu'on lui connaît, me signifia la raison profonde de cette subite envie : " Avec la digestion, j'ai envie de taper un roupillon ".
Ah, ouach léguenne ! Trop bien...




































Mais si nous nous étions abandonnés à cette paresseuse volupté, les bras de Morphée sur nous se seraient refermés, et sans doute aucun notre gentil petit périple nous aurions dû écourter. 
Alors, un peu à la manière des Hobbits tentant péniblement de s'extraire de l'emprise du Vieil-Homme Saule (lesquels toutefois pouvait compter sur l'aide de Tom Bombadil), nous reprîmes notre route, d'abord avec quelque langueur, mais bientôt ragaillardis par la chaleureuse brise d'un ciel resplendissant.

Bleu comme... le ciel du Nord (!)

Le chemin proposé par notre guide se caractérisait par une alternance de parcours en forêt et  promenades en campagne, qui, pour notre plus grand bonheur, faisait se succéder avec un goût consommé de la diversité, des paysages aux couleurs rehaussées par l'intensité du bleu céleste.



De l'or sous nos pieds et au-dessus de nos têtes


Tout ce qui brille n'est pas or. 





























 Peut-être, sans doute même, pour ceux qui n'ont en vue que ce qui peut avoir une valeur d'échange, ou plutôt, et paradoxalement, ce qui (soi-disant) n'a pas de prix. 

 
Mais la nature est empli de rich-
esses pour qui sait obs-
erver. 
























YiTi, pour sa part, m'avoua sa ferveur pour cette lumière particulière, propre à la saison automnale, qui en sublime les couleurs, pour lesquelles il voue d'ailleurs la même affection. Les quelques photographies qui émaillent le dernier paragraphe de ce billet ne sont qu'un maigre échantillon et pâle reflet de la splendeur que l'artiste solaire, exalté par sa muse sylvestre, nous donna à contempler.


Il n'était que quatre heures, quatre heures et demie, et en cet instant le jour se lovait déjà dans ses habits du soir.
Alors qu'une faune bruyante et agitée, étrangère à ces lieux merveilleux, les prenait d'assaut, était malheureusement venu le temps pour nous de tirer notre révérence - cela étant, après six heures de marche, nous n'étions pas non plus trop fâchés de regagner notre chez soi.

(à suivre...)

dimanche 16 octobre 2011

Une ballade en Ors (balade en forêt de Bois-l'Evêque) - Suite et fin

La seconde partie de notre petit périple prit un tour plus pastoral, voire fluvial. Parvenus à la lisière de la forêt, nous l'abandonnions définitivement (mais à la différence de Capri, je crois bien que j'y retournerai un jour) pour emprunter une route qui la traversait et que nous remontâmes jusqu'au chemin de fer, déjà franchi auparavant mais que nous allions cette fois-ci traverser en un autre point.  Le passage ferroviaire dépassé, nous poursuivions notre chemin le long d'une rue communale lorsqu'un panneau fléché situé sur le côté droit de la chaussée nous indiqua l'emplacement du Ors British Cemetery, cimetière militaire où reposent les corps de soldats britanniques tombés lors de la première guerre mondiale (la " Grande guerre "), dont celui du poète Wilfried Owen. Nous nous attendions, l'orientation du panneau et le sens adopté par sa flèche nous y incitant, à trouver le cimetière sur notre gauche ; tournant alors notre tête dans cette direction, nous eûmes un premier aperçu quelque peu déroutant, comme peut l'illustrer la photographie ci-dessous... 

Un autre Chemin des Dames

Tu le vois le cimetière, toi ?
Vous pensez bien qu'il en faut peu pour désarçonner les deux petits rats des villes que nous sommes et que nous étions immanquablement en cet instant. Mais Yiti, par son goût de l'aventure épris, me communiqua son enthousiasme et acheva de me convaincre d'arpenter ces prairies et de suivre l'ébauche de chemin qui s'offrait à nous.  Le chemin en question, si, nous allions nous en assurer bientôt, menait effectivement au cimetière militaire, longeait également la propriété de dames, dont l'aménité n'était sans doute pas la vertu première, à en croire l'accueil mugissant qu'elles nous réservèrent, en dépit d'une allure débonnaire forçant la sympathie.
Et non, on ne vient pas vous ramener au bercail
Nous eûmes l'insigne honneur et le délectable loisir d'entendre le chant mélodieux de ces sirènes champêtres tout au long du chemin...
ça, c'est du paysage du Nord, hein ?
... Et même plus encore, puisque, lorsque nous découvrîmes enfin le cimetière militaire, le concert non seulement ne se tarit guère mais parut bien au contraire gagner en ampleur.

Heureusement qu'il n'y a pas le son !

Il ajouta ou contribua pour le moins au sentiment de malaise qui s'empara de nous à l'approche des sépultures, et plus encore à la lecture des pierres tombales. La plupart des Tommies enterrés sous nos pieds n'avaient qu'une vingtaine d'années (et pour certains même, à peine dix-huit ans) lorsqu'ils tombèrent sur le champ de bataille, et cruauté du sort (ou de l'Homme), quelques jours avant la date de l'armistice. Pour ma part, il m'était assez difficile de ne pas penser aux contingents français dépêchés en Afghanistan (un de mes proches en faisait partie). La comparaison était-elle appropriée ? En cet instant, j'en était convaincue : j'y voyais dans les deux cas une jeunesse sacrifiée pour de vils intérêts. Où est le sens de tous ces jeux de massacre, si toutefois il existe ? Et au regard du contexte actuel, comment ne pas songer au risque d'une nouvelle guerre mondiale...
Le trouble profond qui s'était installé atteint son paroxysme lorsque, en guise d'oraison funèbre, les Dames du pré voisin, surjouèrent leurs vocalises, entonnant comme d'infernaux chants vespéraux (il devait être un peu plus de dix-huit heures et le jour tombait). La paix des âmes n'avait sans doute jamais été aussi été éloignée de ce pré. L'esprit de recueillement, s'il fût, s'enfuit aussitôt, aussi prestement que nos pas, suivies de près des sabots de la troupe, qui n'auraient pas manqué de nous rattraper, si leur course n'avait été arrêtée par une barrière (du reste bien chêtive au regard de la carrure des intrigantes) - il est dommage que Yiti, sans doute trop effrayé par autant de succès, n'eût pris de photos pour immortaliser l'instant et ces grosses bouilles attachantes qui s'agglutinaient à l'enclos. 

La vie est comme la Sambre : une longue rivière tranquille 

Quittant le pré, nous reprîmes la rue que nous avions délaissée juste avant notre escapade à travers champs et vagabondâmes au travers de cette petite ville rurale. Vous souvenez-vous de ce sentiment particulier de bonheur que j'avais évoquée lorsque j'abordais notre entrée dans la forêt, cette tranquillité que nous retirions de notre isolement ? Il en fut de même ici. Qu'on se le dise : le silence est d'Ors. C'est que l'endroit était, à cet instant, parfaitement désert : il n'y avait personne ; personne dans les rues, personnes dans les jardins, personne ! Nous étions seuls au monde - tant mieux !


Décidément, cette promenade aura été marquée du sceau de la tranquillité. Ce n'est donc peut-être pas un hasard si elle s'acheva par la remontée, sur quelques dizaines de mètres, de la rivière de la Sambre ; cette rivière tire en effet son nom du Celte " samara " qui signiferait " tranquille ". Comme sa surface lisse, qu'aucune onde ne perturbait, notre vie fut, le temps de cette promenade au terme de laquelle nous parvenions, à l'abri de ses troubles ordinaires, en un mot : apaisée.

Equilibre

dimanche 9 octobre 2011

Une ballade en Ors (balade en forêt de Bois-l'Evêque) - Début

En dépit d'un ciel chargé de nuages menaçants (bref, le ciel du Nord dans toute sa splendeur), nous nous décidâmes, en ce samedi 8 octobre 2011, mon ami YiTi (que j'aime user de ce diminutif infantilisant qui lui convient tant) ainsi que moi-même, d'aller nous promener à Ors (petite commune du Hainaut, dans le département du Nord), découvrir ses alentours et plus précisément le, quoique modeste par son étendue, superbe massif forestier qui l'avoisine : le Bois-l'Evêque. 

Suivant sur ce point les indications précises du guide " Le Nord... à pied ", nous partîmes de l'Eglise d'Ors, franchîmes rapidement la voie ferrée (le train passe à Ors, qu'on se le dise), puis longeâmes quelques charmantes maisonnées parsemées sur les abords de cette petite route de campagne que nous empruntions, avant que de pénétrer enfin dans ce sanctuaire naturel. Nous y accédions par le chemin de terre amenant à un ancien terrain militaire, qui bien qu'abandonné continue d'y siéger (l'être humain, ou plutôt son ersatz occidental, semble posséder cette étonnante propension que celle de violer aisément ce qu'il a reconnu comme sacré). Arrivé à son portail, pour le moins rébarbatif, on s'en doutera aisément, nous n'avions d'autre choix que de faire le tour de l'architecture soldatesque. Le décor rappelait, ceux qui butinent sur la toile se figureront aisément l'image, les vestiges de ces villes désertes situées aux alentours de Tchernobyl, telles que Pripyat, où la nature a repris ses droits. L'endroit, par ce pittoresque, ne manquait sans doute pas d'intérêt pictural, mais l'empreinte humaine par trop orientée et marquée ne nous incita guère à en conserver une trace photographique. 
Alors que nous suivions l'étroit chemin de contournement, son cours épousa un angle marqué de la construction martiale. Ce fut à ce repère pour partie naturel que nous l'abandonnâmes pour nous enfoncer davantage dans les bois. 

L'aventure commence

Pour les petits citadins ternes et maussades qu'à notre grand dam nous sommes, le dépaysement promis se révéla un enchantement de tous les instants.
Tels deux Hobbits fuyant la Comté, fatigués de la vaine activité bruyante et incessante de leurs congénères, un sentiment particulier et diffus nous happât doucement, qui ne nous lâcha plus : celui du bonheur d'être enfin seuls, débarrassés de l'anneau, délivrés de cette morne tyrannie que nos semblables nous infligent par leur triste compagnie.

Yiti tape la pose " Scarla lova "
La traversée (heureusement balisée - que savent lire les citadins égarés si ce ne sont flèches, signaux lumineux et autres panneaux de signalisation - quand ils ne sont pas masqués par ceux publicitaires ; la société de consommation ne serait-elle que source d'égarements ?) de ces contrées sylvestres fut une odyssée de la sérénité retrouvée. Mais pas que... Ce fut aussi l'occasion de renouer avec un univers de sensations oubliées, comme enfouies sous le tapis de feuilles que nous foulions de nos pas mal assurés ; simplement mais assurément, nous vivions ce fameux appel des sens, comme la réactivation de sens endoloris, atrophiés, qui sous l'effet d'une profusion de stimulations se redéploient, comme les joies de retrouvailles avec une sensualité primitive mais ô combien fondamentale. Curieusement la promenade prendrait incontestablement les couleurs d'un parcours quelque peu initiatique car à cette rencontre sensuelle, à laquelle nous conviait tout naturellement notre environnement immédiat, allait se succéder une communion plus spirituelle, peut-être d'ordre mystique, lorsque l'endroit visité se révéla propice à l'effleurement de cette dimension divine que la vie moderne néglige tout autant.


Au royaume d'Eumycète

Ainsi que me le faisait remarquer mon camarade de marche, avec cette suavité toute particulière et une poésie déconcertante : " Albertine, tes pieds sont comme la forêt : c'est une collection de champignons ", la forêt de Bois-l'Evêque abonde de ces merveilleux sporophores qui attisent nos pupilles et qui, pour certains, avec science élus et goût cuits, régalent nos papilles.

A gauche : sans doute une amanite tue-mouche 
(non comestible) ; à droite : peut-être une amanite solitaire (également non comestible)
Peut-être un agaric d'essette

Nous laissons le soin aux blogueurs spécialistes de la matière d'apporter tout élément susceptible de nous éclairer et corriger sur les noms donnés aux quelques spécimens ici présentés.


Un lieu sacré et consacré

Alors que nous poursuivions notre exploration des lieux comme deux gosses ravis, une drève coupa notre chemin (que n'apprenons-nous pas sur ce blog - et surtout grâce au guide - la drève est un terme employé dans le Nord de la France pour désigner une ligne droite traversant la forêt ; il semble qu'il dérive du vocable néerlandais "dreef " signifiant "allée") ; elle nous mena à la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours. La date d'édification de la charmante bâtisse ne nous est, hélas, guère connue et nos maigres (pour ne pas dire inexistantes) connaissances en histoire de l'architecture nous laissent quelque peu désarmés face à la tentative de la découvrir.


Une majesté naturelle
Où te caches-tu Albertine ?





















Faut varier les points de vue.

Non loin de là se trouve une fontaine (la Fontaine de l'Ermitage) qui d'après les informations concordantes du guide et de la page internet de Wikipédia fut jadis un site vénéré par les Celtes Nerviens (nos ancêtres les Gaulois, quoi - mon acolyte me fit alors observer que sa mère est d'origine polonaise et que son père aurait de lointaines racines espagnoles voire mauresques ; je ne sais si c'était pour jouer le râleur ou le pédant).

Albertine, tout simplement photogénique (non mais vas-y pousse-toi, tu gênes la photo là)

Une eau claire, non souillée : le croirait-on au XXIe siècle ?
lumière/obscurité, Civilisation/Nature, aucune discontinuité...

Le guide proposait de poursuivre le parcours sur une assez longue distance, mais parce qu'en cette heure de la journée, le jour commençait à tomber et le ciel, décidément de plus en plus ombrageux, ne s'y prêtait que fort peu, nous décidâmes de rentrer, sans pour autant se contenter de rebrousser chemin. A quelque pas se situait une fourche où prenait naissance une laie que nous suivîmes jusqu'à l'orée de la forêt.

(à suivre...)